L’établissement d’un système de société où la société tout entière possèdera et administrera démocratiquement, dans son propre intérêt, les moyens et instruments de production et de distribution des richesses.
Système de société trait à la somme totale des relations humaines et nous différencie de ceux qui cherchent à organiser des colonies coopératives - des îlots entourés par l’océan du capitalisme. Le socialisme, comme nous le comprenons, n’est pas une commune ni un kibboutz mais un système de société tout comme le capitalisme, le féodalisme et l’esclavagisme le sont. Le terme “propriété commune” ne doit pas être confondu avec la propriété d’Etat où certaines industries sont la propriété collective de la classe capitaliste en tant qu’entité. Propriété commune implique l’absence de propriété. Nous précisons que cette propriété commune doit s’appliquer aux moyens et aux instruments de production et de distribution et non pas aux effets personnels, comme se plaisent à affirmer certains critiques peu logiques du socialisme. Contrôle démocratique signifie ce que ces mots veulent dire. Toutefois l’accent doit être mis sur le fait que dans une société où les moyens et les instruments de production sont possédés par la communauté entière, il est difficile de concevoir un contrôle autre que démocratique.
La société, telle qu’elle est à présent constituée, est fondée sur le fait que la classe capitaliste ou dominante possède les moyens d’existence (terres, usines, chemins de fer, etc.) et tient ainsi asservie la classe travailleuse qui, par son travail seul, produit toutes les richesses.
C’est un fait évident que dans le monde d’aujourd’hui une infime minorité de la population possède les moyens et les instruments de production, soit par la possession d’actions soit par le truchement de l’Etat. La classe travailleuse, les esclaves des temps modernes, ne sont pas embarrassés dans leurs allés et venus comme furent les esclaves et les serfs du temps passé, néanmoins, la majorité de la population demeure esclaves, enchainés à une classe sociale plutôt qu’à un individu. L’absence de propriété dans les moyens et les instruments de production oblige la classe travailleuse à travailler pour ceux qui en possèdent. La situation dans les pays se désignant “socialistes” ou “communistes” n’est pas différente d’une manière significative. Une minorité de la population y possède et contrôle effectivement les moyens d’existence, forçant ainsi la majorité à travailler pour un salaire – c’est-à-dire à être exploité par le salariat tout comme dans les pays capitalistes traditionnels de l’Ouest. Ce principe aussi met l’accent sur le fait que la classe travailleuse est la seule classe essentielle à la production et à la distribution.
Il en résulte dans la société un conflit d’intérêts qui se manifeste par une lutte de classes entre ceux qui possèdent mais ne produisent pas et ceux qui produisent mais ne possèdent pas.
Explicites à ce principe sont les faits de la vie qui sont chaudement niés par les défenseurs du capitalisme. Ils contestent non seulement le fait que les grèves et les lockouts sont des manifestations d’une lutte entre les classes sociales mais aussi le fait que la classe capitaliste est non essentielle à la production, qu’elle est une classe parasitique et le fait que la classe travailleuse ne participe pas à la possession malgré le fait qu’elle est responsable pour tout ce qui touche à la production. De plus, en dépit des rationalisations des chefs syndicaux, en dépit des Henry Ford et autres capitalistes qui retirent de gigantesques “salaires” pour leur “management essentiel”, en dépit de la diffusion des actions, même parmi la classe travailleuse, ce principe est juste et correct. Les syndicats, quoiqu’essentiellement des organisations de la classe travailleuse, doivent coopérer et faire des compromis avec les gérants du capital, en acceptant le mythe d’un intérêt commun entre employeurs et travailleurs. Il est inutile de crier aux “traîtres” et aux “vendus”, il est dans la nature du capitalisme que les chefs syndicaux opèrent comme ils le font. D’un autre côté, les capitalistes qui participe à la gestion de leur entreprise le font parce que tel est leur désir et non parce que cela est nécessaire. Les institutions de haut savoir ont depuis longtemps institué des départements pour le développement de cette force de travail professionnelle appelée gérant ou cadre, et les capitalistes qui préfèrent aller au bureau pourraient engager des remplaçants avec peu ou pas de difficultés. Au fait, la classe capitaliste entière pourrait s’établir sur la lune sans qu'aucun effet néfaste ne se fasse sentir sur les industries. Pour ce qui est la possession par les travailleurs d’actions, c’est une illusion de croire que cette possession les place dans la classe capitaliste. Qu’ils essaient de vivre sur leurs intérêts !
On ne fera disparaître ce conflit qu’en émancipant la classe travailleuse du joug de la classe dominante, grâce à la conversion en propriété commune de la société des moyens de production et de distribution et à l’administration démocratique de ceux-ci par la population tout entière.
La majorité des gens peut encore mettre en doute notre supposition que la classe travailleuse agira finalement dans ce sens, mais elle ne peut mettre en doute le fait que les antagonismes de classes ne sauraient exister lorsque les classes économiques n’existent pas. Pour ce qui est de l’instrument que permettra au peuple entier d’exercer un contrôle démocratique sur la propriété comme de la société, un tel instrument existe déjà. Intrinsèquement, il n’y a rien de mauvais avec les institutions dans lesquelles des représentants se réunissent pour parlementer ou négocier (tels les parlements, les diètes, les congrès . . . et même les soi-disant soviets). Ce qui rend ces institutions inefficaces aujourd’hui, c’est le fait qu’elles sont contrôlées par la classe capitaliste. Enlever la société de classes et ces assemblées fonctionneront dans l’intérêt du peuple entier. Les socialistes proposent la transformation de l’Etat d’un gouvernement sur le peuple par une classe dirigeante en administration des choses dans l’intérêt de l’humanité tout entière.
Puisque, dans l’ordre de l’évolution sociale, la classe travailleuse est la dernière à gagner sa liberté, l’émancipation de la classe travailleuse impliquera l’émancipation de l’humanité entière sans distinction de race ni de sexe.
Le capitalisme a rendu la lutte de classe étroite au point qu’il ne reste que deux classes en lice. Il est évident qu’une fois que la classe travailleuse a pris possession du contrôle politique des mains de la classe capitaliste, il ne restera aucune autre classe exploitée ou à exploiter. L’action même d’enlever la gestion de l’Etat des griffes de la classe capitaliste signifiera la fin de la société de classe et en résultera l’émancipation de l’humanité tout entière. Toutes distinctions et toutes discriminations existantes aujourd’hui telles que celles basées sur les antécédents ethniques ou sur le sexe disparaîtront.
Cette émancipation doit être l’oeuvre de la classe travailleuse elle-même.
Il n’existe pas de section minoritaire de la population, pas de direction éclairée, pas d’avant-garde composée de révolutionnaires professionnels (comme Lénine et les bolcheviques le prônent) qui puisse conduire la classe travailleuse au socialisme. Les révolutions sociales sont faites par ceux dont c’est l’intérêt immédiat d’abolir les relations sociales existantes. Le concept de direction (ou de direction “juste”, “éclairée”) est non seulement non nécessaire à une classe travailleuse révolutionnaire mais nuit à son intérêt. Les dirigeants, en fait, ne peuvent jamais conduire les masses où elles ne veulent pas aller. Ils doivent prôner des politiques et des actions favorables à ceux qui les suivent, ce qui fait des dirigeants eux-mêmes des suivistes. Lorsque la classe travailleuse comprendra et désirera le socialisme, elle nommera et élira des délégués, et non des chefs, peur exécuter sa volonté.
Puisque la machine gouvernementale, y compris les forces armées de la nation, n’existe que pour conserver à la classe capitaliste le monopole des richesses enlevées aux travailleurs, la classe travailleuse doit s’organiser consciemment et politiquement en vue de conquérir les pouvoirs gouvernementaux, à la fois nationaux et municipaux, afin que cette machine, forces armées comprises, puisse, d’un instrument d’oppression, être convertie en un agent d’émancipation qui renversera les privilèges ploutocratiques.
Il existe une tendance de la pensée radicale qui tourne cette proposition à l’envers. Les anarchistes, les anarcho-syndicalistes, les syndicalistes-révolutionaires et les partisans de l’unionisme industriel prétendent que le pouvoir capitaliste réside dans les industries plutôt que dans le contrôle de l’Etat. Si cela était vrai les diverses sections de la classe capitaliste seraient à jouer un jeu, dispendieux, avec leurs campagnes politiques pour faire élire des hommes politiques qui leur sont favorables.
L’établissement du socialisme doit être un acte politique. Par acte politique, nous n’entendons pas une législation adoptée par des politiciens professionnels ou autre, mais plutôt que la classe travailleuse lorsqu’elle aura atteint une conscience socialiste et se sera organisée démocratiquement devra utiliser le pouvoir politique pour établir le socialisme. Et ce pour une seule et simple raison : une fois que la vaste majorité des travailleurs est devenue consciemment socialiste, il ne restera qu’un seul obstacle à l’établissement du socialisme – le fait que la machine gouvernementale sera encore aux les mains de la classe capitaliste.
Un des plus grands mythes politiques d’aujourd’hui, c’est que les gouvernements existent pour servir les intérêts du peuple. Dans une société de classe ceci est impossible ; le travail du gouvernement est de préserver le statu quo, de maintenir les bases établies de la société : au moment présent, le monopole de la classe capitaliste des moyens de production et de distribution et l’exploitation de la classe travailleuse. Le parlement (et les autres institutions de ce genre) vote les lois dans l’intérêt de la classe capitaliste, et la fonction publique, les cours et, si nécessaire, les forces armées exécutent et font appliquer ces lois. Dans un pays comme le Canada, le parlement est élu par la population, dont la majorité immense est prolétarienne. Actuellement cette majorité immense, la classe travailleuse, élit des gens dont l’objectif est de maintenir et de travailleur dans le cadre du système capitaliste. Mais il n’est pas obligatoire qu’il en soit ainsi. Une fois que les travailleurs sont devenus socialistes, ils cesseront évidemment d’élire des politiciens et des partis capitalistes. Au lieu de cela, ils vont avoir à penser sur la manière de prendre le contrôle de la machine gouvernementale des mains de la classe capitaliste.
La manière à suivre pour ce faire sera de s’organiser dans un parti politique et de présenter des candidats au parlement et aux autres institutions représentatives. En accord avec le principe précédent qui stipule que “cette émancipation doit être l’oeuvre de la classe travailleuse elle-même”, ces candidats devront être des délégués mandatés sous contrôle strict et démocratique de la classe travailleuse, organisée politiquement hors du parlement. Leur devoir sera d’exécuter la volonté démocratiquement exprimée de la classe travailleuse ; ils prendront le contrôle de la machine gouvernementale pour la convertir en instrument d’émancipation, pour mettre fin à la possession capitaliste des moyens et des instruments de production et de distribution. S’il devait avoir une tentative de la part d’une minorité pro-capitaliste anti-démocratique d’utiliser la violence pour résister à l’abolition du capitalisme, alors la classe travailleuse socialiste majoritaire devra être prête, en dernier recours, à utiliser les forces armées (convenablement réorganisées sur une base démocratique, il va sans dire).
Il n’est absolument pas question de l’existence d’un “gouvernement socialiste”, ce qui serait une absurde contradiction de termes. La classe travailleuse socialiste utilisera la machine gouvernementale uniquement pour remplacer la propriété de classe par la propriété commune. Une fois cette tâche remplie, il n’existera plus aucun besoin d’une machine gouvernementale coercitive pour protéger les intérêts d’une classe dirigeante. Avec l’établissement du socialisme, le gouvernement sur la population laisse place à l’administration démocratique des affaires sociales par et pour le peuple.
Puisque tous les partis politiques ne sont que l’expression d’intérêts de classes et que l’intérêt de la classe travailleuse est diamétralement opposé aux intérêts de toutes sections de la classe dominante, le parti qui a pour but l’émancipation de la classe travailleuse doit être hostile à tout autre parti.
Ce principe met en évidence le fait que les partis politiques existent comme l’expression non seulement des intérêts de classe, mais aussi des intérêts de différentes sections de la classe capitaliste. On aura sans doute remarqué avec quel empressement les capitalistes lancent des appels à l’aide aux travailleurs, même aux plus militants des travailleurs radicaux, lorsque leurs intérêts particuliers sont en jeu. Les capitalistes dont les investissements sont dans le commerce de détail, par exemple, s’uniront avec les gauchistes dans une lutte contre les loyers trop élevés. Il n’y a, après tout, qu’un nombre limité de dollars dans un salaire et pourquoi un propriétaire devrait-il en avoir plus ? Les propriétaires, par contre, sont votes à sympathiser avec la résistance contre l’augmentation des prix des denrées . . . Et chaque section de la classe capitaliste essaie toujours de mettre le fardeau fiscal sur les épaules des autres sections et met tout en oeuvre pour convaincre les travailleurs que c’est leur combat aussi. Il ne peut y avoir plus d’un parti socialiste dans un pays puisqu’il n’y a qu’une seule raison pour l’existence d’un tel parti : se débarrasser à jamais du capitalisme, et ce maintenant. Il s’en suit donc qu’un parti socialiste authentique doit “être hostile à tout autre parti”. Si un autre parti devait apparaître sur la scène politique avec les mêmes vues que le parti socialiste, des démarches et des pourparlers seraient effectués pour l’unification. Nous ne sommes pas en concurrence avec d’autres pour l’établissement d’une société sans classe.
Le PARTI SOCIALISTE DU CANADA entre donc dans le champ de l’action politique, résolu à mener la lutte contre tous les autres partis politiques, qu’ils prétendent agir au nom des travailleurs ou qu’ils se disent ouvertement capitalistes, et appelle tous les membres de la classe travailleuse de ce pays à souscrire à ces principes pour qu'un terme soit mis au système qui les prive des fruits de leur travail et afin que la pauvreté cède la place au confort, le privilège à l’égalité et l’asservissement à la liberté.
Il y a de différentes manières de lutter. Les socialistes luttent en construisant un arsenal d’informations socialistes et en utilisant cet arsenal au meilleur de leur capacité contre la propagande de la classe capitaliste. Mais ce combat doit être dirigé non seulement contre les partis politiques capitalistes avoués, mais aussi contre les autres partis capitalistes camouflés sous des étiquettes “socialistes” ou “communistes” – partis qui ne diffèrent des partis capitalistes conventionnels que par leurs théories sur la manière de gérer le système capitaliste. Ces derniers ne font que prôner des réformes du capitalisme, d’autres prônent la violence contre ceux qui contrôlent les forces armées de l’Etat. Par contre, le Parti Socialiste du Canada demande d’appui de la classe travailleuse pour l’abolition immédiate du salariat et l’institution immédiate du socialisme mondial, et rien d’autre.