En 1878 on décréta que tous les véhicules motorisés circulant sur les routes ne devraient pas dépasser la vitesse de 4 milles l’heure et devraient être précédés d’un homme agitant un drapeau rouge. Ce détail, qui fait d’abord sourire, donne aussi à réfléchir. En seulement cent ans les progrès technologiques ont été énormes.
Par exemple, en Amérique du Nord, il y a cent ans, un travailleur agricole produisait assez pour répondre aux besoins d’environ 5 personnes, un peu plus que sa propre famille. Juste après la dépression des années trente, cette production avait plus que doublée. Aujourd’hui ce travailleur agricole satisfait les besoins de plus de 50 personnes. Grâce à l’introduction de l’automation et des ordinateurs le développement de la production agricole a été encore plus dynamique. Sans aucun doute cette brève période restera, dans la longue histoire de l’homme, l’époque des grands changements technologiques.
Mais tout cela ne signifie pas que tout s’est déroulé sans problèmes. Loin de là ! Les travailleurs, qui produisent toute cette richesse, n’ont jamais pu se mettre d’accord avec ceux qui possèdent les moyens de production sur ce qu’ils devraient être payés. Et même s’ils arrivent à obtenir davantage il y a toujours un surplus, un surplus qui ne cesse d’augmenter et qui est finalement absorbé dans le domaine de la technologie. C’est ce qui a mené à l’accélération de la production dont nous venons de parler. De temps en temps il y a des périodes où ce surplus, qui augmente toujours, ne peut être absorbé ni par les marchés ni par la technologie parce que ça ne serait pas profitable. Pendant ces périodes un grand nombre de travailleurs se trouvent sans emploi. Lorsque les marchés sont en régression, la concurrence se fait encore plus dure et nombreuses sont les entreprises qui n’arrivent pas à survivre. Le monde traverse aujourd’hui une de ces périodes. Les petites entreprises luttent en vain pour survivre tandis que celles qui se battent à l’échelle mondiale refusent d’accepter le déclin économique, ce qui mène souvent à la guerre qui détruit en masse hommes, produits, équipement. Et ainsi le cycle se répète.
L’homme semble prêt à accepter de fortes souffrances s’il est convaincu que les choses doivent être ce qu’elles sont et qu’il y a de l’espoir pour l’avenir. On a souvent essayé de trouver des remèdes à ces maux à travers des réformes mais sans y réussir. Parfois ces réformes ont été appelées socialisme.
Parmi ces réformes la nationalisation est la plus répandue. Elle a été appliquée, à des degrés différents, dans presque tous les pays du monde. Cela ne fait pratiquement aucune différence. Le profit continue à exister même s’il ne s’exprime pas de la même façon. Les besoins du marché restent les mêmes, et les problèmes qui vont avec aussi, à savoir le chômage et les rivalités internationales dans le monde des affaires. Dans le meilleur des cas la nationalisation n’a eu aucun effet sauf celui de décevoir ses partisans. Mais en Russie et en Chine, par exemple, où elle s’accompagne d’un Etat policier, les résultats ont été pires.
Il arrive qu’un nationalisme fanatique se fasse appeler socialisme, alors qu’il en est tout le contraire. Ce n’est guère surprenant que beaucoup de ceux qui ont fait l’expérience de ce faux socialisme n’éprouvant pour le terme “socialisme” que de la méfiance.
Les problèmes de l’humanité ne seront résolus que si on en cherche les causes. Les dépressions économiques expriment un manque de marchés, et non pas d’un manque des besoins. Le chômage s’ensuit parce que le marché est insuffisant pour la main-d’oeuvre existante. Les guerres sont le résultat de la concurrence internationale. Depuis 200 ans on produit dans le but de faire des profits, mais cette méthode n’est plus un élément de progrès, mais au contraire une menace pour l’humanité. On ne peut pas satisfaire à la fois les profits et les besoins des hommes. Si on veut qu’à l’avenir l’équipement productif satisfasse les besoins des hommes il faudra changer les fondements mêmes de la société. Il faudra que les moyens de production deviennent la propriété de la société tout entière. On produira, alors, pour satisfaire les besoins pas pour vendre. Le résultat sera une société dans laquelle les gens réalisent librement leur potentiel créateur et consomment selon leurs besoins individuels. C’est ainsi que l’homme peut atteindre son maximum.
Personne n’a fait de recherches pour mettre en rapport le gaspillage qui existe sous le régime avec les économies d’énergie humaine et autres qui seraient faites dans une société socialiste. Mais si l’on pense au monde de banques, de l’armée, de la finance, des assurances - qui disparaîtront dans le socialisme - on peut voir tout de suite qu’elles seront énormes. Les possibilités non réalisées des travailleurs de tout âge, qui ne sont aujourd’hui sublimées qu’en vue des profits à faire, sont aussi à prendre en considération quand on essaie d’évaluer l’abondance de biens qui pourra être produite dans une démocratie mondiale sans classes.
Il est compréhensible que les gens soient préoccupés par leur vie quotidienne. Mais les maux du système actuel sont toujours là : pauvreté et besoin, répression et guerre, l’énorme gâchis d’énergie humaine et la monotonie quotidienne du travail salarié. On ne peut les abolir qu’en réalisant une société socialiste organisée dans le seul but de satisfaire les besoins des hommes.
(Article basé sur le manifeste du candidat du Parti Socialiste du Canada à une élection partielle à la Colombie-Britannique en mai 1978.)