Cela fait maintenant plus d’un an que le Parti Québecois a remporté les élections du 15 novembre 1976 et que René Lévesque est devenu premier ministre. Cependant, le gouvernement du PQ n’a aucun mandat concernant l’indépendance du Québec, objectif que le parti s’était assigné lors de sa formation en 1968, même il n’a pas fait aucun effort pour obtenir ce mandat. Le Parti Québecois a en fait un double programme : le but à long terme de gagner l’indépendance et une liste de mesures immédiates sous l’exécution du PQ en tant que gouvernement provincial de Québec. Lors des élections le PQ a recherché un mandat en proposant le deuxième objectif avec des slogans tels que “ça ne peut plus continuer comme ça” ou “on a besoin d’un vrai gouvernement” plutôt qu’en réclamant “Québec libre”, et c’est ainsi qu’il a obtenu 70 des 110 sièges mais avec seulement 40 pour cent des voix.
Ces buts, indépendance et réformes du capitalisme, sont tous deux vains et non pertinents vis-à-vis la classe travailleuse et le socialisme. Aucun n’offre de solution aux problèmes affectant les salariés québécois. L’analyse fondamentale du PQ, qui proclame que la population québécoise bénéficierait du transfert à Québec des impôts maintenant payés à Ottawa et des décisions concernant leur distribution, repose sur l’erreur.
Les problèmes qui affectent les salariés québécois résultent du fait que ceux-ci sont exclus de la possession et du contrôle des moyens de production. Ces problèmes ne peuvent être résolus à l’échelle du Canada dans son intégrité sans parler au sein du Québec, indépendant ou pas. La question constitutionnelle – fédéralisme ou indépendance ? – n’a aucun rapport avec la classe travailleuse. Aucune de ces alternatives n’offre de cadre au sein duquel ses problèmes peuvent être résolus. Seulement la conversion des moyens de production en propriété commune, contrôlés démocratiquement par toute la population, offre un tel cadre, et puisque le capitalisme qui est le système que l’on doit remplacer est à l’échelle mondiale, la conversion doit se faire aussi à l’échelle mondiale.
Ceci étant, les travailleurs québécois ne devraient pas gaspiller leur temps en demandant l’indépendance du Québec. En fait, puisque toute propagande nationaliste a pour nature de diviser, les travailleurs devraient s’y opposer. Ils devraient s’opposer, bien sûr, tout autant au nationalisme canadien propagé par les défenseurs du fédéralisme.
Comme tout mouvement nationaliste, le PQ doit cultiver le mythe qu’il existe au Québec une nation ayant “le droit à l’autodétermination”. Pourtant le PQ est incapable de donner une définition cohérente de ce qu’est la “nation québécoise”. Parfois on dit qu’elle est composée de tous ceux qui parlent français ; d’autrefois de tous ceux qui habitent au Québec. Ces deux groupes ne sont pourtant pas identiques. Environ le tiers de la population du Nouveau-Brunswick est francophone alors que presque 20 percent de la population du Québec ne l’est pas. Faut-il les inclure dans la “nation québécoise” ou pas ? Et si le fait de parler français est le critère, pourquoi ne demande-t-on pas de faire partie d’une “nation française” tout aussi mythique ?
Mais mises à part toutes ces contradictions dont souffrent toutes les idéologies nationalistes, il y a une objection plus fondamentale au concept “nation” : qu’il soit basé sur l’hypothèse que tous ceux qui sont censés en faire partie partagent un intérêt commun. Cette hypothèse est fausse, car toutes les nations, qu’elles soient définies par une langue commune ou par leur situation à l’intérieur de mêmes frontières ou par autre prétexte, sont divisées en deux classes ayant des intérêts antagoniques : il y a d’un côté ceux qui possèdent et contrôlent les moyens de production, et de l’autre ceux qui ne jouissent pas de ce privilège. Ainsi est la situation au Québec aujourd’hui et ainsi continuerait-elle d’être dans le Québec indépendant que le PQ souhaite voir établi. En vérité, en proposant le programme d’un Québec indépendant, le PQ se montre comme étant l’expression des intérêts de certaines sections de la classe capitaliste au Québec – en grande partie les moyennes et petites entreprises – dont les intérêts seraient mieux servis par un gouvernement indépendant québécois que par l’actuel gouvernement fédéral à Ottawa.
Il n’y a pas de doute, le PQ est une expression d’intérêts capitalistes tout autant que le Parti Libéral et l’Union Nationale. Mais étant donné son programme de réformes “progressistes”, le PQ n’est-il pas le parti “le plus près des travailleurs ains que l’a défini le FTQ ? La réponse est non, bien loin de là. Aucun parti qui accepte le capitalisme n’a quoi que ce soit à offrir aux travailleurs. Le PQ ne se dit pas socialiste (heureusement pour nous socialistes authentiques, puisque ceci ajouterait à la confusion existante à l’égard de la signification de ce mot, confusion que nous cherchons à révéler) mais il n’a aucune objection à ce que ses idées soient décrites comme “social-démocratie”. Si ce terme a pour rôle de communiquer que le PQ soutient le capitalisme, plus la démocratie politique, plus les réformes sociales, nous n’aurons aucune objection, bien que nous préférerions appeler “réformisme” cette politique qui essaie de réformer le capitalisme afin qu’il serve l’intérêt de la majorité. Puisque les lois économiques du capitalisme empêchent que celui-ci soit réformé de cette manière, nous laisserons le PQ et le Parti Libéral se disputer le titre du champion de cette politique futile.
C’est à cause des mesures hostiles à la classe travailleuse prises par le gouvernement Bourassa, que les dirigeants syndicalistes ont soutenu le PQ (le FTQ ouvertement et la CSN implicitement), et parmi ces mesures il y eut leur propre emprisonnement. Mais pourquoi est-ce que le gouvernement Bourassa a agi contre l’intérêt de la classe travailleuse ? La raison en est simple : la tâche du gouvernement consiste en l’administration du capitalisme. Système basé sur l’exploitation des salariés et sur la production des profits plutôt que sur la satisfaction des besoins humains, le capitalisme ne peut pas être administré dans l’intérêt des salariés ; ainsi tôt ou tard tout gouvernement entrera en conflit avec les travailleurs. Le nouveau gouvernement ne sera pas une exception ; les événements prouveront cela. Le “parti des travailleurs” dont les syndicats assureraient le financement et que quelques dirigeants syndicalistes demandent ne serait pas une exception non plus.
Nous répétons ce qui est un fait simple : le capitalisme ne peut fonctionner dans l’intérêt de la classe travailleuse et tout gouvernement qui entreprend cela, échouera inévitablement. Le gouvernement Lévesque du PQ manquera à résoudre les problèmes de la classe travailleuse tout autant que ne l’a fait le gouvernement Bourassa ou que ne l’a fait le gouvernement de l’Union Nationale. On peut aussi s’attendre à ce que le gouvernement PQ, vu sa position envers les problèmes linguistiques, prenne des mesures qui dresseront travailleur contre travailleur.
Le Parti Socialiste du Canada avertit les travailleurs qu’ils n’ont rien à attendre du gouvernement du PQ, si ce n’est désillusion et déception.